Interviews
Publié
08/09/2018
Par
La Rédaction
Asaf Avidan. Crédit photo Dudi Hasson
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Avec son quatrième album, sorti il y a bientôt un an, Asaf Avidan est revenu à ses premiers amours folk. Au milieu de sa tournée mondiale, au Cognac Blues Passions, l’israélien âgé de 38 ans s’est confié à Rolling Stone sur la conception de «ÂThe Study On Falling» et de la remise en question qu’elle a suscitée chez lui
Votre dernier album, The Study On Falling, semble se rapprocher de vos premières influences. C’était le but recherchéÂ?
Oui, dans mes premiers albums j’ai essayé d’expérimenter différents genres de musique pour tenter de créer mon propre son en additionnant le tout. Cela a donné une sorte de mozaïque. Mais après deux albums, j’étais un peu fatigué de ça et j’avais envie de revenir aux bases, aux origines de ce qui m’a donné envie d’être musicienÂ: Dylan, Neil Young, Leonard Cohen, Tom Waits, Johnny Cash, tout ces chanteurs de folk nord-américains.
Est-ce l’album le plus américain de votre discographieÂ?
Oui clairement. J’ai toujours été influencé par cette musique, mais il y a quand même une certaine singularité dans ma manière de produire mes disques. Même si je laisse la liberté à chacun d’y entendre l’influence qu’il veut, j’ai enregistré The Study On Falling aux Ãtats-Unis et c’était la première fois pour moi, avec un producteur et des musiciens américains. Donc c’est plus qu’un album américain dans son inspiration, mais aussi dans sa conception. Marks Howard â le producteur â a travaillé avec les artistes qui m’ont le plus influencé, notamment avec Bob Dylan sur Times Out of Mind, mais aussi Tom Waits, Neil Young. Il m’a permis d’enregistrer cet album avec des musiciens qui ont joué avec John Lennon, Elvis Presley…C’était incroyable. Ces gens, âgés d’environ 70 ans pour la plupart, sont un peu à l’origine de ce que je suis aujourd’hui, j’ai grandi avec leur musique. C’était une expérience incroyable.
Vous avez eu une pression supplémentaire en étant entouré de ces gens-lÃÂ?
C’est ce que je pensais au début, mais la façon dont Marks travaille m’a mis tout de suite à l’aise. Il ne travaille pas dans un studio, il choisit des endroits qui l’inspirent, que cela soit dans une ferme ou une maison en face de l’océan. On était à Malibu, on a loué une immense villa d’où on pouvait voir la mer par chaque fenêtre. L’environnement était fait pour qu’on se sente comme chez nous, on mangeait dans la même pièce que celle où on enregistrait, on pouvait sortir et lire un livre, il n’y avait aucune pression. Tout le monde était super cool, il y avait un truc old-school dans leur façon d’être. Il n’y avait aucune urgence comme c’est souvent le cas aujourd’hui pendant les enregistrements, on s’est juste mis ensemble dans la même pièce et on a joué. Si quelqu’un se plantait, cela foirait tout et il fallait recommencer, un peu comme dans les 60’s, et c’est beau parce que tu réalises que rien n’est parfait. Forcément, quelqu’un va se tromper. Mais c’est aussi la seule méthode pour être vraiment honnête. On n’a pas triché.
Ce stade-là d’authenticité, n’est-ce pas le Graal pour tout musicienÂ?
Bien sûr, c’est un peu le rêve romantique de tout musicien, mais c’est aussi tellement difficile. Il y a toujours de la pression interne et externe. Le travail d’un bon producteur est d’éliminer cette pression pour que tout le monde soit focalisé sur les chansons. Mais il n’y a aucune méthodologie, comme dans la vie. Si le rendu est un peu sale, on doit l’accepter car cela fait partie de la vie. Maintenant que je réécoute l’album, évidemment qu’il y a des choses que j’aurais aimé améliorer ou faire différemment, mais c’était aussi le cas sur mes précédents albums où je perdais mon temps sur des détails. Donc peu importe, on finit toujours par détester ses précédents albums.
Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Bob DylanÂ?
Je jouais sa première partie à Tel-Aviv il y a quelques années. C’est quelqu’un de très exclusif. J’ai passé du temps avec ses musiciens, mais lui, il est arrivé en voiture quelques minutes avant le début du concert, donc ça ne ressemblait pas à ce à quoi j’avais rêvé. Mais de toute façon, qu’est-ce que j’aurais bien pu lui direÂ? que sa musique a changé ma vieÂ? Il a déjà entendu ça des milliers de fois. Il n’a pas besoin de moi pour lui rappeler tout ça, il s’en fout. Il fait sa musique, boit son whisky, et je respecte ça. En fait, l’expérience la plus cool était d’avoir la chance d’être sur le côté de la scène pendant son concert, de le voir interagir avec ses musiciens. Car Dylan est connu pour jouer sans setlist et pour changer de tonalité quand bon lui semble. Ses musiciens ont donc besoin d’être focalisés sur lui constamment, et c’était fascinant de voir cette sorte de chorégraphie.
Propos recueillis par Baptiste Manzinali
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Interviews
Publié
27/11/2024
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La Rédaction
Kevin Mazur / Getty Images
The Edge nous parle de How to Dismantle an Atmoic Bomb, de lâenregistrement de nouveaux morceaux et de la possibilité dâune prochaine tournée pour U2.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien avec The Edge de U2 dans notre hebdo n°177, disponible via notre boutique en ligne.
Bonjour The Edge. Où êtes-vous actuellement ?
Je suis à Dublin. Je reviens dâune session dâenregistrement, on fait des démos et on enregistre des morceaux. Il nây avait que Bono et moi, mais câétait très amusant.
Parlons de How to Dismantle an Atomic Bomb. Je me souviens que Bono cherchait à faire un disque de guitare, et quâil avait écouté les Who, les Clash et les Buzzcocks pour sâen inspirer. Ãtait-ce aussi votre objectif ?
Tout à fait. Nous avons senti que câétait le moment dâexplorer nos premières inspirations. Le premier éclair de la vie créative de U2 est apparu lorsque nous jouions des chansons très simples ensemble dans une même pièce. Les limites qui en découlent constituent un défi intéressant, car il faut se contenter de ces instruments, et la dynamique devient un élément extrêmement important du processus créatif.
Comment vous y êtes-vous pris concrètement ?
Nous avons eu recours à une tradition développée avec Daniel Lanois, que nous appelons la Power Hour. Peu importe ce que nous faisions, une ou deux fois par semaine, on se retrouvait tous et on improvisait. Souvent, on en ressortait avec deux ou trois idées de morceaux.
Pour que ça marche, il faut répondre en temps réel à ce que font les autres membres du groupe, et eux doivent répondre à ce que vous faites. Ãa peut donner des résultats très surprenants. Quand on voit cette collection de chansons, il est évident quâil sâagit dâun U2 légèrement déséquilibré, mais dâune manière très positive.
Vous avez commencé avec le producteur Chris Thomas, qui a produit lâun des plus grands disques de guitare de tous les temps avec Never Mind the Bollocks, Hereâs the Sex Pistols. Mais après plusieurs mois, vous avez changé de direction avec Steve Lillywhite. Quâest-ce qui a conduit à ce changement ?
Nous avons fait de grands progrès avec Chris. Mais lorsque nous avons réécouté les premiers mixages, nous avons réalisé que là où nous essayions de pousser le chaos plus loin, lâinstinct de Chris était de le contenir, et câest lui qui lâemportait. Certains morceaux sonnaient trop polis pour nous. Alors, sans vraiment prendre de décision ferme, nous nous sommes dit que nous allions essayer quelques sessions avec Steve pour voir si cela nous emmenait ailleurs.
Assez rapidement, nous avions un processus plus organique, que nous avons développé au fil des ans avec Steve. Il savait très bien de quoi nous étions capables et quelles étaient nos faiblesses, et il était capable de tirer le meilleur de nous-mêmes sans sâimposer de limites.
Steve travaille avec vous depuis le tout début. Il vous connaît bien tous les quatre.
Exactement. Un bon exemple de ce quâa apporté ce changement de producteur est âVertigoâ. Nous avions une version de cette chanson appelée âNative Sonâ, qui était terminée. Câétait une bonne chanson, un magnifique morceau de rock & roll. Mais Steve trouvait quâon pouvait probablement faire mieux. Câest ce que nous avons fait, un jour où Bono nâétait pas lÃ. Adam, Larry et moi avons fait trois prises, et nous avons choisi lâune dâentre elles.
Quand Bono a commencé à chanter dessus, il sâest aperçu que la chanson était devenue autre chose. Nous avons donc continué à creuser, il a trouvé de nouvelles idées mélodiques, et nous avons quitté le sérieux pour quelque chose de beaucoup plus enjoué. Avec un angle complètement différent, câest devenu une bien meilleure chanson au final, plus complexe. Comme je lâai dit, câest le genre de chaos qui manquait.
Andy Greene
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Interviews
Publié
27/11/2024
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La Rédaction
© Benjamin DELACOUX
à lâoccasion de la sortie de lâalbum The Unseen, la rédaction sâest entretenue avec Guillaume Bernard, guitariste et compositeur principal de Klone, qui détaille le processus créatif et partage ses inspirations.
Retrouvez cet entretien avec Guillaume Bernard de Klone en entier dans notre hebdo n°176, disponible via notre boutique en ligne.
Heureux de sortir The Unseen ?
Oui, cela faisait longtemps que nous attendions quâil sorte. Il est composé de titres assez anciens quâon avait gardé en réserve. Il était donc temps quâils soient disponibles ! Jâai retrouvé certains fichiers qui datent de 2008. Câest comme si je sortais des bouteilles de vin de ma cave.
Les titres de ce disque dorment depuis longtemps, pourtant vos sorties sont régulières.
La datation des morceaux importe peu, tant quâils nous plaisent. Il se trouve que notre label nous impose certaines deadlines. De fait, replonger dans ces titres que nous comptions de toute façon sortir à un moment ou un autre nous a permis dâavancer plus vite. Néanmoins, tout a été travaillé comme à chaque album, notamment des lignes de chant ou de basse qui étaient inexistantes. Jâai plein de dossiers de morceaux inachevés. Pour moi, un morceau doit être fluide. Si je commence à me prendre la tête à travailler dessus, je le laisse de côté, avant de trouver lâidée qui le fera fonctionner. Les idées les plus simples sont souvent les moins évidentes à trouver.
Quel est le sens du titre The Unseen ?
Yann Ligner, notre chanteur et aussi parolier, sâest chargé de le choisir. Cela peut faire référence à ces fameux morceaux quâon nâavait pas vus dans leur totalité. Le texte du morceau-t i t re concerne le monde de lâinvisible et de lâimpalpable qui interagit sur notre existence. Sans parler de religion, je pense quâil est dommage de limiter sa vision du monde à seulement ce qui est visible. Parfois, lâhumilité nous permet dâadmettre quâon ne peut pas tout comprendre et de faire la paix avec cela.
Mathieu David
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Interviews
Publié
25/11/2024
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La Rédaction
© D.R. - RENCONTRES TRANS MUSICALES
Travaux, engagements écologiques, maillage territorial, philosophie⦠Que réserve la prochaine édition ? Réponses avec Erwan Gouadec, directeur délégué de lâATM (Association Trans Musicales).
Ne manquez pas la prochaine édition des Trans Musicales du 4 au 8 décembre ! Les places sont disponibles.
Le site du festival nâaura pas la même configuration cette annéeâ¦
Oui, le Hall 9 de Rennes parc expo va faire lâobjet de travaux que nous avons préféré anticiper en réorganisant complétement notre implantation. Depuis 20 ans, câest même la plus grande réflexion que nous avons dû mener sur nos usages depuis notre déménagement du centre-ville. Câest très excitant : il nây a pas un seul espace qui ait conservé sa configuration dâorigine ! On sait que le public aime chez nous perdre ses repaires⦠Cette année, ils ne seront pas que musicaux.
Jusquâà même une soirée dâouverture à La Citéâ¦
Notre directeur artistique Jean-Louis Brossard a beau ne pas être nostalgique, câest moi que ça émeut… Quel symbole ! 45 ans après la première édition (jâai rejoint, via un stage, lâassociation il y a 22 ans), revenir le temps dâune soirée là où tout a commencé entre en résonnance avec beaucoup de Rennais.
Où se situe dâailleurs la force du festival ?
Dans sa connexion à la société, car il nây a pas quâen matière de programmation que nous avons travaillé lâanticipation… En particulier sur lâécologie : dès 2013, nous avons été le premier festival français (et le troisième mondial) à être certifié ISO 20121 â une norme internationale portant sur le management durable des événements. Cela a permis de dresser un socle solide dâactions comme le recours aux transports en commun, lâaugmentation de la part du végétal dans la restauration, le calcul des consommations électriques, la réutilisation des déchets⦠Ou, à titre expérimental, la collecte de lâurine.
Avec le sentiment que le festival est sans cesse en mouvementâ¦
Lâinflations des cachets artistiques, la Covid, les difficultés à obtenir des visas, les baisses budgétaires⦠Les contextes sont régulièrement turbulents pour se réjouir de ce que nous avons accompli, mais jamais de sâen satisfaire. Ce sont des métiers de combat : nous ne pouvons pas agir seuls sur lâenvironnement, mais nous pouvons participer aux changements de mentalités.
En devenant une institution, comment favoriser la contre-culture ?
Nous sommes plus contributeurs que seigneurs. Et en étant nous-mêmes une association, nous connaissons la nécessité de pouvoir bénéficier de moyens dâexpression. 50% des dates de la salle de concerts LâUBU (dont nous avons la gestion) sont ainsi confiés à dâautres associations, tout en multipliant les partenariats régionaux et nationaux⦠Nous nous appuyons par exemple sur lâexpérience de lâassociation nantaise Les catherinettes pour lutter contre les violences sexistes.
Le tout dans une ville singulièreâ¦
Ici, ça sent âla bière et lâanimalâ, oui ! Il y a 70 000 étudiants, deux Smac, un théâtre, les Open air de la commune, une antériorité rock⦠Rennes, câest un festival permanent sur un territoire pourtant petit ! Et le CBGB est peut-être mort à New York, mais notre UBU tordu â lui â est encore debout⦠Pas étonnant quâaux Rencontres Trans Musicales, 15 000 personnes puissent sâenjailler devant un inconnuâ¦
Samuel Degasne
Retrouvez cet entretien et bien d’autres papiers dans notre numéro digital spécial Trans Musicales, à lire gratuitement ici.
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Ephemeride
Publié
25/11/2024
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La Rédaction
©Tim Mosenfelder/Getty Images
Mark Lanegan avait donné une interview à Rolling Stone en plein confinement. Il revient sur sa carrière, ainsi que sa relation avec Kurt Cobain et Courtney Love.
25 novembre 1964 : Naissance de Mark Lanegan
Depuis preÌs dâun quart de sieÌcle, Mark Lanegan fuit son passeÌ. Certes, il a dirigeÌ Screaming Trees pendant quinze ans, un groupe neÌo-psycheÌ datant de la grande eÌclosion des grands labels de Seattle, avant de rencontrer un vrai succeÌs international avec son album Nearly Lost You. Il sâeÌtait eÌgalement lieÌ dâamitieÌ avec Kurt Cobain et Layne Staley, avant dâenregistrer avec le super- groupe Mad Season, puis de se lancer dans une carrieÌre solo en jouant un rock bluesy et roots plus meÌlancolique et sombre que la production de ses pairs grungeurs. Il a toujours eu cette voix profonde, rauque et une preÌsence impreÌvisible sur sceÌne qui ont fait de lui lâun des frontmen les plus explosifs venus de la âCiteÌ eÌmeraudeâ. ParalleÌlement, sa deÌpendance aux stupeÌfiants lâa conduit aÌ la rue. Il sâen est sorti, eÌchappant ainsi aÌ une mort preÌcoce.
ApreÌs la mort de Cobain, en 1994, Lanegan sâest concentreÌ davantage sur sa carrieÌre solo en minimisant sa place dans la dynastie du grunge. âVous, les gens de Rolling Stone, vous mâappelez systeÌmatiquement pour lâanniversaire de ceci ou de cela pour en extraire une citationâ, signale Lanegan au cours de lâinterview de preÌs de deux heures et demie quâil nous a accordeÌe. âPour continuer aÌ faire de la musique, jâai duÌ prendre mes distances par rapport aÌ toute lâaffaire de Seattle. Jâai duÌ garder mes distances pour eÌviter dâeÌtre connu comme un ex-grunge toxicomane qui nâa jamais reÌussi.â
Aujourdâhui, il deÌcide enfin de regarder dans le reÌtroviseur. Dans son autobiographie, Sing Backwards and Weep, Lanegan jette un regard implacable sur son passeÌ sombre, de son enfance jusquâaÌ la mort de son ami Staley, en 2002. Le livre se lit comme un roman de Bukowski, et on y voit Lanegan deÌriver. Y deÌfile aussi toute la sceÌne grunge de lâeÌpoque. âEÌcrire ce livre est probablement la chose la plus deÌsagreÌable que jâaie jamais faite, affirme-t-il sans deÌtour. Je nâavais plus penseÌ aÌ tout cela depuis vingt-cinq ans. Il y a beaucoup de fantoÌmes.â
Lanegan est deÌsormais sobre, depuis preÌs de deux deÌcennies. AÌ 55 ans, il est marieÌ et posseÌde une maison. Sa vie est stable, il veut rester sur le âdroit cheminâ, travaillant dans la construction et peignant des deÌcors pour des eÌmissions de teÌleÌvision aÌ L.A. Sa voix parleÌe est aussi grande et puissante que sa voix chanteÌe, et il a tendance aÌ colorer les sujets les plus sombres avec un treÌs grand sens de lâautodeÌrision, et en ponctuant ses phrases par un rire aigu incontroÌlable. Il sait que sa vie est incroyable, et il se surprend dâeÌtre encore vivant.
Depuis la fin des Trees, il y a vingt ans, il a affineÌ son approche du blues rock sombre en y ajoutant des touches dâeÌlectronique qui rappellent parfois Nick Cave. Il est eÌgalement inviteÌ sur les albums de Queens of the Stone Age et de Soulsavers, et a collaboreÌ avec lâancienne chanteuse de Belle and Sebastian, Isobel Campbell, ou Greg Dulli des Afghan Whigs. Straight Songs of Sorrow, son nouvel album autobiographique, est neÌ justement pendant lâeÌcriture de ces meÌmoires. Si son ami Anthony Bourdain lâa encourageÌ aÌ eÌcrire en se basant sur les souvenirs que Lanegan a esquisseÌs dans son ouvrage lyrique, I Am the Wolf, en 2017, le chanteur, suite au suicide de son ami, sâest tourneÌ vers lâauteur aÌ succeÌs Mishka Shubaly pour le guider aÌ achever le livre, un processus que Lanegan deÌcrit comme douloureux. âCâeÌtait comme eÌtre enterreÌ sous une montagne de souvenirs de merde tous les joursâ, dit Lanegan aÌ propos de ces heures passeÌes aÌ eÌcrire ses meÌmoires. Et je me souviens entendre encore Tony et Mishka me dire : âOh, tu vas vivre une expeÌrience des plus cathartiques. Ça va reÌveiller des fantoÌmes.â Je leur ai reÌpondu : âMec, les fantoÌmes sont tous reÌveilleÌs.â
AÌ quel point vous a-t-il eÌteÌ difficile de revenir sur cette peÌriode de votre vie ?
Quand jâai commenceÌ, les souvenirs qui revenaient eÌtaient paralysants. Douze, quatorze heures pouvaient passer sans que je me rende compte que jâavais juste eÌcrit ce putain de truc.
Vous avez longuement eÌcrit sur votre amitieÌ avec Kurt Cobain. Quâest-ce qui vous a frappeÌ chez lui quand vous lâavez rencontreÌ pour la premieÌre fois ?
Kurt et moi eÌtions treÌs proches avant quâil ne devienne ceÌleÌbre. JâeÌtais en fait la personne ceÌleÌbre dans notre relation pendant plusieurs anneÌes ! [Rires] Il avait un talent naturel. Je lâai su deÌs que je lâai vu chanter aÌ la bibliotheÌque publique dâEllensburg, dans la petite ville ouÌ jâai grandi. Dylan Carlson [guitariste pour Earth et ami commun des deux artistes, NDLR] mâavait demandeÌ dâaller le voir jouer laÌ-bas, car Kurt eÌtait un de mes fans. Et câest ainsi que je lâai rencontreÌ : en tant que fan ! Il mâadmirait un peu comme un grand freÌre. Jâai tout de suite su que ce type avait quelque chose de magique. Cela a pris un certain temps, mais il est eÌvident que le monde a reconnu son talent, et nous savons tous ce qui sâest passeÌ.
Vous avez eÌcrit que vous regrettez profondeÌment votre attitude au moment de sa disparition, parce quâil vous avait appeleÌ ce jour-laÌ et vous ne lâavez pas rappeleÌ. Comment avez-vous veÌcu sa mort ?
Lorsquâun drogueÌ perd un ami, il se drogue encore plus. La logique voudrait que, lorsquâun de vos amis meurt, vous vous en rendiez compte et disiez : âOh, merde, mec. Est-ce que je veux finir comme ça aussi ?â Mais au lieu de cela, un toxico se drogue encore plus et pleure dans sa bieÌre.
Comment vous eÌtes-vous senti justement apreÌs la mort de Kurt ?
Je voulais disparaiÌtre et oublier que lâon avait une relation treÌs pure dâadmiration mutuelle pour la musique de lâautre. Nous aimions le meÌme genre de musique. Je lâentends encore me dire : âToi et Dylan eÌtes les seuls vrais amis que jâai encoreâ, au plus fort de sa populariteÌ. CâeÌtait triste. Je me suis dit alors : âQuel genre dâami suis-je ?â Ce type mâadmirait, meÌme si je savais quâil me voyait deÌcliner et deÌriver. Je me souviens mâeÌtre dit aussi : âWow ! Jâaurais pu donner des conseils deÌcents aÌ ce gamin qui mâadmirait et que jâaimais.â Jâaurais pu eÌtre un autre type et je ne lâai pas eÌteÌ.
Vous racontez aussi que beaucoup de gens veillaient sur vous, en particulier Courtney Love.
Elle mâa sauveÌ la vie. Et il fallait que jâeÌcrive aÌ ce sujet. Je porterai toujours une grande culpabiliteÌ pour mon attitude le jour ouÌ Kurt a deÌcideÌ de faire ce quâil a fait, je lâai deÌlibeÌreÌment ignoreÌ. Jâavais essayeÌ aussi dâeÌviter de freÌquenter Courtney. JâeÌtais juste un putain de connard eÌgocentrique qui ne reÌpondait pas aÌ ses amis â alors que lui répondait aÌ chacun de mes appels. Plus tard, apreÌs la mort de Kurt, je me souviens eÌtre alleÌ chez un preÌteur sur gages. Lâami qui dirigeait lâendroit mâa dit : âCourtney Love est venue ici lâautre jour avec des documents sur une cure de deÌsintoxication.â Ma reÌponse immeÌdiate a eÌteÌ : âDis-lui dâaller se faire foutre avec sa putain de cure de deÌsintoxication.â AÌ lâeÌpoque, jâeÌtais un drogueÌ reÌcalcitrant, un merdeux qui preÌfeÌre eÌtre sans-abri plutoÌt que dâaccepter lâaide de quelquâun.
Quâest-ce qui vous a fait changer dâavis ?
JâeÌtais coinceÌ et il fallait que je quitte Seattle. JâeÌtais devenu sans-abri et je vivais dans le quartier ouÌ jâavais veÌcu en appartement pendant dix ans. Un flic mâa arreÌteÌ et mâa dit que je devais soit aller en deÌsintoxication, soit quitter la ville. Et puis jâai eu lâintelligence dâarnaquer un dealer pour lequel je vendais dans la rue. CâeÌtait un eÌnorme ex-taulard du nord de lâEÌtat de New York qui aurait pu facilement me casser les genoux. Je nâavais nulle part ouÌ aller, alors je suis retourneÌ chez le preÌteur sur gages pour lui demander sâil avait toujours âce truc que Courtney a apporteÌ ici pour moi ?â Je devais quitter la ville. La documentation quâelle mâavait laisseÌe parlait dâune organisation appeleÌe M.A.P., un programme dâaide aux musiciens qui a eÌteÌ mis en place par un saxophoniste de jazz nommeÌ Buddy Arnold pour aider les gens qui nâavaient pas dâargent. Ils ont payeÌ pour ma deÌsintox. Mais jâai reÌaliseÌ que jâavais besoin de beaucoup plus que cela ; Courtney a payeÌ mon loyer pendant des mois. Personne ne pouvait me filer de boulot, et physiquement jâeÌtais vraiment mal en point apreÌs toutes ces anneÌes aÌ me faire du mal. Je me souviens de mâeÌtre reÌveilleÌ au centre de deÌsintoxication et la pieÌce que jâoccupais alors eÌtait remplie de sacs de veÌtements neufs quâelle mâavait envoyeÌs.
par Kory Grow
Traduit par la rédaction
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Retrouvez cette interview de Mark Lanegan en intégralité dans Rolling Stone Hebdo du 7 mai 2020. Nous vous le proposons en accès gratuit à télécharger ici : https://bit.ly/3v9PuMY
> Retrouvez ici notre hommage à Mark Lanegan
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Ephemeride
Publié
24/11/2024
Par
La Rédaction
Tom Oxley
Lâex-voix dâOasis Liam Gallagher associée à lâancienne guitare des Stone Roses John Squireâ: lâidée a fait son chemin, avant de se concrétiser par un album dépassant amplement le revival britpop.
24 novembre 1962 : naissance de John Squire
Fut un temps, titrer de la sorte un article de presse âimpliquantâ Liam Gallagher était la garantie de le voir partir en vrille et une possibilité plus que forte quâil vous saute à la gorge, vous assénant dans la confusion verbale générale que, de United et de City, les deux clubs de foot ancestralement rivaux de la métropole du nord de lâAngleterre, il nây avait que le second pour avoir grâce à ses yeux et quâune telle⦠hérésie de notre part tenait purement et simplement de la provocation gratuite. Alors certes, la cinquantaine venue, lâintéressé est moins enclin aux coups de sang/gueule, sauf bien sûr quand il sâagit un nouveau missile dans le camp du grand frère, mais obtenir son imprimatur quant au titre en question pouvait se⦠considérer. âÃa me va bien, acquiesce-t-il sans autre forme de procès. Ãa se tient, ça a même du sens. Et de toute façon, vu lâétat dans lequel ils se trouvent dans ce club, un peu de publicité ne peut pas leur faire de malâ¦â
En terre mancunienne plus quâailleurs en effet, voir â et entendre â Liam Gallagher et John Squire sur un même projet, câest une réunion au sommet, tout un pan de lâhistoire musicale de la ville, ses plus grandes heures souvent évoquées avec émotion tant elles paraissent loin désormais. Oasis dâun côté, Stone Roses de lâautre, pensez donc⦠Si les intéressés sont évidemment conscients de leurs statuts respectifs, câest ailleurs quâils ont voulu placer le curseur de ce projet et des dix morceaux qui en sont nés, à un niveau résolument plus humble. Et parce quâil y avait à leurs yeux comme une évidence à ce quâil voit le jour.
à ma gauche (Gallagher)â: âJâai toujours pensé que nos personnalités colleraient parfaitement. Ce quâil est capable de sortir de sa guitare, ses idées dâécritureâ¦â à ma droite (Squire)â: âÃa avait beau me traîner dans un coin de la tête depuis des années, jamais je nâaurais imaginé que ça arrive, même si cette connexion sonore entre nous mâa toujours paru flagrante. Aussi cliché que ça puisse paraître dit comme ça, le ton de sa voix, la présence de celle-ci, ne peut quâinspirer un songwriter. Je lâai déjà dit, mais il pourrait chanter les termes et conditions dâun contrat avec une firme dâordinateurs ou de téléphones quâil réussirait à rendre ça intéressantâ!â
Lâidée de se faire plaisir, de foncer sans trop se poser de questions, sâest aussi traduite par pas mal dâéchanges par SMS au préalable, car le cadet des Gallagher était alors en tournée. Des échanges non pas sur des directions à prendre et encore moins à suivre à la lettre, plutôt des points de repère âpour voirâ, au rang desquels seraient cités en vrac Jimi Hendrix, Sex Pistols, Bob Marley, The Faces, The Bee Gees⦠âCâétait un peu comme quand des potes se retrouvent et écoutent des albums ensembleâ: âTu te souviens de çaâ? Câétait vachement bien, ça, nonâ?â, résume Squire. Sauf que nous, on faisait ça à distanceâ!â
Xavier Bonnet
Retrouvez cette interview de Liam Gallagher et John Squire en entier dans notre numéro 160. Il est disponible en kiosque et via notre boutique en ligne. Commandez-le dès maintenant avec la couverture que vous préférez. Choisissez entre Eric Clapton et Bruce Dickinson.
Ãcoutez «ÂJust Another Rainbow»
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