INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (2025)

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (1)

Publié

08/09/2018

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La Rédaction

INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (2)

Asaf Avidan. Crédit photo Dudi Hasson

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Avec son quatrième album, sorti il y a bientôt un an, Asaf Avidan est revenu à ses premiers amours folk. Au milieu de sa tournée mondiale, au Cognac Blues Passions, l’israélien âgé de 38 ans s’est confié à Rolling Stone sur la conception de «ÂThe Study On Falling» et de la remise en question qu’elle a suscitée chez lui

Votre dernier album, The Study On Falling, semble se rapprocher de vos premières influences. C’était le but recherchéÂ?

Oui, dans mes premiers albums j’ai essayé d’expérimenter différents genres de musique pour tenter de créer mon propre son en additionnant le tout. Cela a donné une sorte de mozaïque. Mais après deux albums, j’étais un peu fatigué de ça et j’avais envie de revenir aux bases, aux origines de ce qui m’a donné envie d’être musicienÂ: Dylan, Neil Young, Leonard Cohen, Tom Waits, Johnny Cash, tout ces chanteurs de folk nord-américains.

Est-ce l’album le plus américain de votre discographieÂ?

Oui clairement. J’ai toujours été influencé par cette musique, mais il y a quand même une certaine singularité dans ma manière de produire mes disques. Même si je laisse la liberté à chacun d’y entendre l’influence qu’il veut, j’ai enregistré The Study On Falling aux États-Unis et c’était la première fois pour moi, avec un producteur et des musiciens américains. Donc c’est plus qu’un album américain dans son inspiration, mais aussi dans sa conception. Marks Howard – le producteur – a travaillé avec les artistes qui m’ont le plus influencé, notamment avec Bob Dylan sur Times Out of Mind, mais aussi Tom Waits, Neil Young. Il m’a permis d’enregistrer cet album avec des musiciens qui ont joué avec John Lennon, Elvis Presley…C’était incroyable. Ces gens, âgés d’environ 70 ans pour la plupart, sont un peu à l’origine de ce que je suis aujourd’hui, j’ai grandi avec leur musique. C’était une expérience incroyable.

Vous avez eu une pression supplémentaire en étant entouré de ces gens-lÃÂ?

C’est ce que je pensais au début, mais la façon dont Marks travaille m’a mis tout de suite à l’aise. Il ne travaille pas dans un studio, il choisit des endroits qui l’inspirent, que cela soit dans une ferme ou une maison en face de l’océan. On était à Malibu, on a loué une immense villa d’où on pouvait voir la mer par chaque fenêtre. L’environnement était fait pour qu’on se sente comme chez nous, on mangeait dans la même pièce que celle où on enregistrait, on pouvait sortir et lire un livre, il n’y avait aucune pression. Tout le monde était super cool, il y avait un truc old-school dans leur façon d’être. Il n’y avait aucune urgence comme c’est souvent le cas aujourd’hui pendant les enregistrements, on s’est juste mis ensemble dans la même pièce et on a joué. Si quelqu’un se plantait, cela foirait tout et il fallait recommencer, un peu comme dans les 60’s, et c’est beau parce que tu réalises que rien n’est parfait. Forcément, quelqu’un va se tromper. Mais c’est aussi la seule méthode pour être vraiment honnête. On n’a pas triché.

Ce stade-là d’authenticité, n’est-ce pas le Graal pour tout musicienÂ?

Bien sûr, c’est un peu le rêve romantique de tout musicien, mais c’est aussi tellement difficile. Il y a toujours de la pression interne et externe. Le travail d’un bon producteur est d’éliminer cette pression pour que tout le monde soit focalisé sur les chansons. Mais il n’y a aucune méthodologie, comme dans la vie. Si le rendu est un peu sale, on doit l’accepter car cela fait partie de la vie. Maintenant que je réécoute l’album, évidemment qu’il y a des choses que j’aurais aimé améliorer ou faire différemment, mais c’était aussi le cas sur mes précédents albums où je perdais mon temps sur des détails. Donc peu importe, on finit toujours par détester ses précédents albums.

Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Bob DylanÂ?

Je jouais sa première partie à Tel-Aviv il y a quelques années. C’est quelqu’un de très exclusif. J’ai passé du temps avec ses musiciens, mais lui, il est arrivé en voiture quelques minutes avant le début du concert, donc ça ne ressemblait pas à ce à quoi j’avais rêvé. Mais de toute façon, qu’est-ce que j’aurais bien pu lui direÂ? que sa musique a changé ma vieÂ? Il a déjà entendu ça des milliers de fois. Il n’a pas besoin de moi pour lui rappeler tout ça, il s’en fout. Il fait sa musique, boit son whisky, et je respecte ça. En fait, l’expérience la plus cool était d’avoir la chance d’être sur le côté de la scène pendant son concert, de le voir interagir avec ses musiciens. Car Dylan est connu pour jouer sans setlist et pour changer de tonalité quand bon lui semble. Ses musiciens ont donc besoin d’être focalisés sur lui constamment, et c’était fascinant de voir cette sorte de chorégraphie.

Propos recueillis par Baptiste Manzinali

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (3)

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (16)

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27/11/2024

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (17)

Kevin Mazur / Getty Images

The Edge nous parle de How to Dismantle an Atmoic Bomb, de l’enregistrement de nouveaux morceaux et de la possibilité d’une prochaine tournée pour U2.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien avec The Edge de U2 dans notre hebdo n°177, disponible via notre boutique en ligne.

Bonjour The Edge. Où êtes-vous actuellement ?

Je suis à Dublin. Je reviens d’une session d’enregistrement, on fait des démos et on enregistre des morceaux. Il n’y avait que Bono et moi, mais c’était très amusant.

Parlons de How to Dismantle an Atomic Bomb. Je me souviens que Bono cherchait à faire un disque de guitare, et qu’il avait écouté les Who, les Clash et les Buzzcocks pour s’en inspirer. Était-ce aussi votre objectif ?

Tout à fait. Nous avons senti que c’était le moment d’explorer nos premières inspirations. Le premier éclair de la vie créative de U2 est apparu lorsque nous jouions des chansons très simples ensemble dans une même pièce. Les limites qui en découlent constituent un défi intéressant, car il faut se contenter de ces instruments, et la dynamique devient un élément extrêmement important du processus créatif.

Comment vous y êtes-vous pris concrètement ?

Nous avons eu recours à une tradition développée avec Daniel Lanois, que nous appelons la Power Hour. Peu importe ce que nous faisions, une ou deux fois par semaine, on se retrouvait tous et on improvisait. Souvent, on en ressortait avec deux ou trois idées de morceaux.
Pour que ça marche, il faut répondre en temps réel à ce que font les autres membres du groupe, et eux doivent répondre à ce que vous faites. Ça peut donner des résultats très surprenants. Quand on voit cette collection de chansons, il est évident qu’il s’agit d’un U2 légèrement déséquilibré, mais d’une manière très positive.

Vous avez commencé avec le producteur Chris Thomas, qui a produit l’un des plus grands disques de guitare de tous les temps avec Never Mind the Bollocks, Here’s the Sex Pistols. Mais après plusieurs mois, vous avez changé de direction avec Steve Lillywhite. Qu’est-ce qui a conduit à ce changement ?

Nous avons fait de grands progrès avec Chris. Mais lorsque nous avons réécouté les premiers mixages, nous avons réalisé que là où nous essayions de pousser le chaos plus loin, l’instinct de Chris était de le contenir, et c’est lui qui l’emportait. Certains morceaux sonnaient trop polis pour nous. Alors, sans vraiment prendre de décision ferme, nous nous sommes dit que nous allions essayer quelques sessions avec Steve pour voir si cela nous emmenait ailleurs.

Assez rapidement, nous avions un processus plus organique, que nous avons développé au fil des ans avec Steve. Il savait très bien de quoi nous étions capables et quelles étaient nos faiblesses, et il était capable de tirer le meilleur de nous-mêmes sans s’imposer de limites.

Steve travaille avec vous depuis le tout début. Il vous connaît bien tous les quatre.

Exactement. Un bon exemple de ce qu’a apporté ce changement de producteur est “Vertigo”. Nous avions une version de cette chanson appelée “Native Son”, qui était terminée. C’était une bonne chanson, un magnifique morceau de rock & roll. Mais Steve trouvait qu’on pouvait probablement faire mieux. C’est ce que nous avons fait, un jour où Bono n’était pas lÃ. Adam, Larry et moi avons fait trois prises, et nous avons choisi l’une d’entre elles.

Quand Bono a commencé à chanter dessus, il s’est aperçu que la chanson était devenue autre chose. Nous avons donc continué à creuser, il a trouvé de nouvelles idées mélodiques, et nous avons quitté le sérieux pour quelque chose de beaucoup plus enjoué. Avec un angle complètement différent, c’est devenu une bien meilleure chanson au final, plus complexe. Comme je l’ai dit, c’est le genre de chaos qui manquait.

Andy Greene

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (18)

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27/11/2024

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (19)

© Benjamin DELACOUX

À l’occasion de la sortie de l’album The Unseen, la rédaction s’est entretenue avec Guillaume Bernard, guitariste et compositeur principal de Klone, qui détaille le processus créatif et partage ses inspirations.

Retrouvez cet entretien avec Guillaume Bernard de Klone en entier dans notre hebdo n°176, disponible via notre boutique en ligne.

Heureux de sortir The Unseen ?

Oui, cela faisait longtemps que nous attendions qu’il sorte. Il est composé de titres assez anciens qu’on avait gardé en réserve. Il était donc temps qu’ils soient disponibles ! J’ai retrouvé certains fichiers qui datent de 2008. C’est comme si je sortais des bouteilles de vin de ma cave.

Les titres de ce disque dorment depuis longtemps, pourtant vos sorties sont régulières.

La datation des morceaux importe peu, tant qu’ils nous plaisent. Il se trouve que notre label nous impose certaines deadlines. De fait, replonger dans ces titres que nous comptions de toute façon sortir à un moment ou un autre nous a permis d’avancer plus vite. Néanmoins, tout a été travaillé comme à chaque album, notamment des lignes de chant ou de basse qui étaient inexistantes. J’ai plein de dossiers de morceaux inachevés. Pour moi, un morceau doit être fluide. Si je commence à me prendre la tête à travailler dessus, je le laisse de côté, avant de trouver l’idée qui le fera fonctionner. Les idées les plus simples sont souvent les moins évidentes à trouver.

Quel est le sens du titre The Unseen ?

Yann Ligner, notre chanteur et aussi parolier, s’est chargé de le choisir. Cela peut faire référence à ces fameux morceaux qu’on n’avait pas vus dans leur totalité. Le texte du morceau-t i t re concerne le monde de l’invisible et de l’impalpable qui interagit sur notre existence. Sans parler de religion, je pense qu’il est dommage de limiter sa vision du monde à seulement ce qui est visible. Parfois, l’humilité nous permet d’admettre qu’on ne peut pas tout comprendre et de faire la paix avec cela.

Mathieu David

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (20)

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25/11/2024

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© D.R. - RENCONTRES TRANS MUSICALES

Travaux, engagements écologiques, maillage territorial, philosophie… Que réserve la prochaine édition ? Réponses avec Erwan Gouadec, directeur délégué de l’ATM (Association Trans Musicales).

Ne manquez pas la prochaine édition des Trans Musicales du 4 au 8 décembre ! Les places sont disponibles.

Le site du festival n’aura pas la même configuration cette année…

Oui, le Hall 9 de Rennes parc expo va faire l’objet de travaux que nous avons préféré anticiper en réorganisant complétement notre implantation. Depuis 20 ans, c’est même la plus grande réflexion que nous avons dû mener sur nos usages depuis notre déménagement du centre-ville. C’est très excitant : il n’y a pas un seul espace qui ait conservé sa configuration d’origine ! On sait que le public aime chez nous perdre ses repaires… Cette année, ils ne seront pas que musicaux.

Jusqu’à même une soirée d’ouverture à La Cité…

Notre directeur artistique Jean-Louis Brossard a beau ne pas être nostalgique, c’est moi que ça émeut… Quel symbole ! 45 ans après la première édition (j’ai rejoint, via un stage, l’association il y a 22 ans), revenir le temps d’une soirée là où tout a commencé entre en résonnance avec beaucoup de Rennais.

Où se situe d’ailleurs la force du festival ?

Dans sa connexion à la société, car il n’y a pas qu’en matière de programmation que nous avons travaillé l’anticipation… En particulier sur l’écologie : dès 2013, nous avons été le premier festival français (et le troisième mondial) à être certifié ISO 20121 – une norme internationale portant sur le management durable des événements. Cela a permis de dresser un socle solide d’actions comme le recours aux transports en commun, l’augmentation de la part du végétal dans la restauration, le calcul des consommations électriques, la réutilisation des déchets… Ou, à titre expérimental, la collecte de l’urine.

Avec le sentiment que le festival est sans cesse en mouvement…

L’inflations des cachets artistiques, la Covid, les difficultés à obtenir des visas, les baisses budgétaires… Les contextes sont régulièrement turbulents pour se réjouir de ce que nous avons accompli, mais jamais de s’en satisfaire. Ce sont des métiers de combat : nous ne pouvons pas agir seuls sur l’environnement, mais nous pouvons participer aux changements de mentalités.

En devenant une institution, comment favoriser la contre-culture ?

Nous sommes plus contributeurs que seigneurs. Et en étant nous-mêmes une association, nous connaissons la nécessité de pouvoir bénéficier de moyens d’expression. 50% des dates de la salle de concerts L’UBU (dont nous avons la gestion) sont ainsi confiés à d’autres associations, tout en multipliant les partenariats régionaux et nationaux… Nous nous appuyons par exemple sur l’expérience de l’association nantaise Les catherinettes pour lutter contre les violences sexistes.

Le tout dans une ville singulière…

Ici, ça sent “la bière et l’animal”, oui ! Il y a 70 000 étudiants, deux Smac, un théâtre, les Open air de la commune, une antériorité rock… Rennes, c’est un festival permanent sur un territoire pourtant petit ! Et le CBGB est peut-être mort à New York, mais notre UBU tordu – lui – est encore debout… Pas étonnant qu’aux Rencontres Trans Musicales, 15 000 personnes puissent s’enjailler devant un inconnu…

Samuel Degasne

Retrouvez cet entretien et bien d’autres papiers dans notre numéro digital spécial Trans Musicales, à lire gratuitement ici.

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (22)

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25/11/2024

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©Tim Mosenfelder/Getty Images

Mark Lanegan avait donné une interview à Rolling Stone en plein confinement. Il revient sur sa carrière, ainsi que sa relation avec Kurt Cobain et Courtney Love.

25 novembre 1964 : Naissance de Mark Lanegan

Depuis près d’un quart de siècle, Mark Lanegan fuit son passé. Certes, il a dirigé Screaming Trees pendant quinze ans, un groupe néo-psyché datant de la grande éclosion des grands labels de Seattle, avant de rencontrer un vrai succès international avec son album Nearly Lost You. Il s’était également lié d’amitié avec Kurt Cobain et Layne Staley, avant d’enregistrer avec le super- groupe Mad Season, puis de se lancer dans une carrière solo en jouant un rock bluesy et roots plus mélancolique et sombre que la production de ses pairs grungeurs. Il a toujours eu cette voix profonde, rauque et une présence imprévisible sur scène qui ont fait de lui l’un des frontmen les plus explosifs venus de la “Cité émeraude”. Parallèlement, sa dépendance aux stupéfiants l’a conduit à la rue. Il s’en est sorti, échappant ainsi à une mort précoce.

Après la mort de Cobain, en 1994, Lanegan s’est concentré davantage sur sa carrière solo en minimisant sa place dans la dynastie du grunge. “Vous, les gens de Rolling Stone, vous m’appelez systématiquement pour l’anniversaire de ceci ou de cela pour en extraire une citation”, signale Lanegan au cours de l’interview de près de deux heures et demie qu’il nous a accordée. “Pour continuer à faire de la musique, j’ai dû prendre mes distances par rapport à toute l’affaire de Seattle. J’ai dû garder mes distances pour éviter d’être connu comme un ex-grunge toxicomane qui n’a jamais réussi.”

Aujourd’hui, il décide enfin de regarder dans le rétroviseur. Dans son autobiographie, Sing Backwards and Weep, Lanegan jette un regard implacable sur son passé sombre, de son enfance jusqu’à la mort de son ami Staley, en 2002. Le livre se lit comme un roman de Bukowski, et on y voit Lanegan dériver. Y défile aussi toute la scène grunge de l’époque. “Écrire ce livre est probablement la chose la plus désagréable que j’aie jamais faite, affirme-t-il sans détour. Je n’avais plus pensé à tout cela depuis vingt-cinq ans. Il y a beaucoup de fantômes.”

Lanegan est désormais sobre, depuis près de deux décennies. À 55 ans, il est marié et possède une maison. Sa vie est stable, il veut rester sur le “droit chemin”, travaillant dans la construction et peignant des décors pour des émissions de télévision à L.A. Sa voix parlée est aussi grande et puissante que sa voix chantée, et il a tendance à colorer les sujets les plus sombres avec un très grand sens de l’autodérision, et en ponctuant ses phrases par un rire aigu incontrôlable. Il sait que sa vie est incroyable, et il se surprend d’être encore vivant.

Depuis la fin des Trees, il y a vingt ans, il a affiné son approche du blues rock sombre en y ajoutant des touches d’électronique qui rappellent parfois Nick Cave. Il est également invité sur les albums de Queens of the Stone Age et de Soulsavers, et a collaboré avec l’ancienne chanteuse de Belle and Sebastian, Isobel Campbell, ou Greg Dulli des Afghan Whigs. Straight Songs of Sorrow, son nouvel album autobiographique, est né justement pendant l’écriture de ces mémoires. Si son ami Anthony Bourdain l’a encouragé à écrire en se basant sur les souvenirs que Lanegan a esquissés dans son ouvrage lyrique, I Am the Wolf, en 2017, le chanteur, suite au suicide de son ami, s’est tourné vers l’auteur à succès Mishka Shubaly pour le guider à achever le livre, un processus que Lanegan décrit comme douloureux. “C’était comme être enterré sous une montagne de souvenirs de merde tous les jours”, dit Lanegan à propos de ces heures passées à écrire ses mémoires. Et je me souviens entendre encore Tony et Mishka me dire : “Oh, tu vas vivre une expérience des plus cathartiques. Ça va réveiller des fantômes.” Je leur ai répondu : “Mec, les fantômes sont tous réveillés.”

À quel point vous a-t-il été difficile de revenir sur cette période de votre vie ?

Quand j’ai commencé, les souvenirs qui revenaient étaient paralysants. Douze, quatorze heures pouvaient passer sans que je me rende compte que j’avais juste écrit ce putain de truc.

Vous avez longuement écrit sur votre amitié avec Kurt Cobain. Qu’est-ce qui vous a frappé chez lui quand vous l’avez rencontré pour la première fois ?

Kurt et moi étions très proches avant qu’il ne devienne célèbre. J’étais en fait la personne célèbre dans notre relation pendant plusieurs années ! [Rires] Il avait un talent naturel. Je l’ai su dès que je l’ai vu chanter à la bibliothèque publique d’Ellensburg, dans la petite ville où j’ai grandi. Dylan Carlson [guitariste pour Earth et ami commun des deux artistes, NDLR] m’avait demandé d’aller le voir jouer là-bas, car Kurt était un de mes fans. Et c’est ainsi que je l’ai rencontré : en tant que fan ! Il m’admirait un peu comme un grand frère. J’ai tout de suite su que ce type avait quelque chose de magique. Cela a pris un certain temps, mais il est évident que le monde a reconnu son talent, et nous savons tous ce qui s’est passé.

Vous avez écrit que vous regrettez profondément votre attitude au moment de sa disparition, parce qu’il vous avait appelé ce jour-là et vous ne l’avez pas rappelé. Comment avez-vous vécu sa mort ?

Lorsqu’un drogué perd un ami, il se drogue encore plus. La logique voudrait que, lorsqu’un de vos amis meurt, vous vous en rendiez compte et disiez : “Oh, merde, mec. Est-ce que je veux finir comme ça aussi ?” Mais au lieu de cela, un toxico se drogue encore plus et pleure dans sa bière.

Comment vous êtes-vous senti justement après la mort de Kurt ?

Je voulais disparaître et oublier que l’on avait une relation très pure d’admiration mutuelle pour la musique de l’autre. Nous aimions le même genre de musique. Je l’entends encore me dire : “Toi et Dylan êtes les seuls vrais amis que j’ai encore”, au plus fort de sa popularité. C’était triste. Je me suis dit alors : “Quel genre d’ami suis-je ?” Ce type m’admirait, même si je savais qu’il me voyait décliner et dériver. Je me souviens m’être dit aussi : “Wow ! J’aurais pu donner des conseils décents à ce gamin qui m’admirait et que j’aimais.” J’aurais pu être un autre type et je ne l’ai pas été.

Vous racontez aussi que beaucoup de gens veillaient sur vous, en particulier Courtney Love.

Elle m’a sauvé la vie. Et il fallait que j’écrive à ce sujet. Je porterai toujours une grande culpabilité pour mon attitude le jour où Kurt a décidé de faire ce qu’il a fait, je l’ai délibérément ignoré. J’avais essayé aussi d’éviter de fréquenter Courtney. J’étais juste un putain de connard égocentrique qui ne répondait pas à ses amis – alors que lui répondait à chacun de mes appels. Plus tard, après la mort de Kurt, je me souviens être allé chez un prêteur sur gages. L’ami qui dirigeait l’endroit m’a dit : “Courtney Love est venue ici l’autre jour avec des documents sur une cure de désintoxication.” Ma réponse immédiate a été : “Dis-lui d’aller se faire foutre avec sa putain de cure de désintoxication.” À l’époque, j’étais un drogué récalcitrant, un merdeux qui préfère être sans-abri plutôt que d’accepter l’aide de quelqu’un.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

J’étais coincé et il fallait que je quitte Seattle. J’étais devenu sans-abri et je vivais dans le quartier où j’avais vécu en appartement pendant dix ans. Un flic m’a arrêté et m’a dit que je devais soit aller en désintoxication, soit quitter la ville. Et puis j’ai eu l’intelligence d’arnaquer un dealer pour lequel je vendais dans la rue. C’était un énorme ex-taulard du nord de l’État de New York qui aurait pu facilement me casser les genoux. Je n’avais nulle part où aller, alors je suis retourné chez le prêteur sur gages pour lui demander s’il avait toujours “ce truc que Courtney a apporté ici pour moi ?” Je devais quitter la ville. La documentation qu’elle m’avait laissée parlait d’une organisation appelée M.A.P., un programme d’aide aux musiciens qui a été mis en place par un saxophoniste de jazz nommé Buddy Arnold pour aider les gens qui n’avaient pas d’argent. Ils ont payé pour ma désintox. Mais j’ai réalisé que j’avais besoin de beaucoup plus que cela ; Courtney a payé mon loyer pendant des mois. Personne ne pouvait me filer de boulot, et physiquement j’étais vraiment mal en point après toutes ces années à me faire du mal. Je me souviens de m’être réveillé au centre de désintoxication et la pièce que j’occupais alors était remplie de sacs de vêtements neufs qu’elle m’avait envoyés.

par Kory Grow

Traduit par la rédaction

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (24)Retrouvez cette interview de Mark Lanegan en intégralité dans Rolling Stone Hebdo du 7 mai 2020. Nous vous le proposons en accès gratuit à télécharger ici : https://bit.ly/3v9PuMY

> Retrouvez ici notre hommage à Mark Lanegan

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (25)

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24/11/2024

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INTERVIEW - Asaf Avidan : "On finit toujours par détester ses précédents albums" - Rolling Stone (26)

Tom Oxley

L’ex-voix d’Oasis Liam Gallagher associée à l’ancienne guitare des Stone Roses John Squire : l’idée a fait son chemin, avant de se concrétiser par un album dépassant amplement le revival britpop.

24 novembre 1962 : naissance de John Squire

Fut un temps, titrer de la sorte un article de presse “impliquant” Liam Gallagher était la garantie de le voir partir en vrille et une possibilité plus que forte qu’il vous saute à la gorge, vous assénant dans la confusion verbale générale que, de United et de City, les deux clubs de foot ancestralement rivaux de la métropole du nord de l’Angleterre, il n’y avait que le second pour avoir grâce à ses yeux et qu’une telle… hérésie de notre part tenait purement et simplement de la provocation gratuite. Alors certes, la cinquantaine venue, l’intéressé est moins enclin aux coups de sang/gueule, sauf bien sûr quand il s’agit un nouveau missile dans le camp du grand frère, mais obtenir son imprimatur quant au titre en question pouvait se… considérer. “Ça me va bien, acquiesce-t-il sans autre forme de procès. Ça se tient, ça a même du sens. Et de toute façon, vu l’état dans lequel ils se trouvent dans ce club, un peu de publicité ne peut pas leur faire de mal…”

En terre mancunienne plus qu’ailleurs en effet, voir – et entendre – Liam Gallagher et John Squire sur un même projet, c’est une réunion au sommet, tout un pan de l’histoire musicale de la ville, ses plus grandes heures souvent évoquées avec émotion tant elles paraissent loin désormais. Oasis d’un côté, Stone Roses de l’autre, pensez donc… Si les intéressés sont évidemment conscients de leurs statuts respectifs, c’est ailleurs qu’ils ont voulu placer le curseur de ce projet et des dix morceaux qui en sont nés, à un niveau résolument plus humble. Et parce qu’il y avait à leurs yeux comme une évidence à ce qu’il voit le jour.

À ma gauche (Gallagher) : “J’ai toujours pensé que nos personnalités colleraient parfaitement. Ce qu’il est capable de sortir de sa guitare, ses idées d’écriture…” À ma droite (Squire) : “Ça avait beau me traîner dans un coin de la tête depuis des années, jamais je n’aurais imaginé que ça arrive, même si cette connexion sonore entre nous m’a toujours paru flagrante. Aussi cliché que ça puisse paraître dit comme ça, le ton de sa voix, la présence de celle-ci, ne peut qu’inspirer un songwriter. Je l’ai déjà dit, mais il pourrait chanter les termes et conditions d’un contrat avec une firme d’ordinateurs ou de téléphones qu’il réussirait à rendre ça intéressant !”

L’idée de se faire plaisir, de foncer sans trop se poser de questions, s’est aussi traduite par pas mal d’échanges par SMS au préalable, car le cadet des Gallagher était alors en tournée. Des échanges non pas sur des directions à prendre et encore moins à suivre à la lettre, plutôt des points de repère “pour voir”, au rang desquels seraient cités en vrac Jimi Hendrix, Sex Pistols, Bob Marley, The Faces, The Bee Gees… “C’était un peu comme quand des potes se retrouvent et écoutent des albums ensemble : ‘Tu te souviens de ça ? C’était vachement bien, ça, non ?’, résume Squire. Sauf que nous, on faisait ça à distance !”

Xavier Bonnet

Retrouvez cette interview de Liam Gallagher et John Squire en entier dans notre numéro 160. Il est disponible en kiosque et via notre boutique en ligne. Commandez-le dès maintenant avec la couverture que vous préférez. Choisissez entre Eric Clapton et Bruce Dickinson.

Écoutez «ÂJust Another Rainbow»

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Author: Horacio Brakus JD

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Name: Horacio Brakus JD

Birthday: 1999-08-21

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Introduction: My name is Horacio Brakus JD, I am a lively, splendid, jolly, vivacious, vast, cheerful, agreeable person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.